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CAN 2021 : Le Sénégal et ses Lions ont faim

D’une finale perdue face à l’Algérie à un renforcement de grande envergure au sein de l’effectif, le Sénégal est définitivement prêt à aborder la CAN. Les hommes d’Aliou Cissé devront assumer leur statut de favori pour cette édition 2021 de la compétition.

La sélection sénégalaise sort d’une très belle phase de qualification de CDM 2022. En effet, avec son bilan de 5 victoires et 1 match nul (15 buts marqués, 4 encaissés), les hommes d’Aliou Cissé ont clairement exposé leurs ambitions dans cette compétition. Un gros message envoyé au monde et à leurs futurs adversaires à l’occasion de la CAN pour une équipe qui, malgré les qualités de son effectif au cours de ces dernières années, n’a jamais réussi à soulever la coupe.

L’histoire de la Sélection du Sénégal

La création de la sélection

L’histoire de l’équipe nationale du Sénégal est étroitement liée à l’histoire du pays qu’elle représente, surtout celle de son indépendance. L’indépendance du Sénégal s’est orchestrée en plusieurs étapes. Le pays faisait partie de la fédération de l’Afrique-occidentale française depuis sa création. Suite à sa dissolution, et par suite d’un référendum, le Sénégal devient une République en septembre 1958. Plus précisément, une République à l’intérieur de la Communauté française. En janvier 1959, un changement s’opère. Le Sénégal et la République soudanaise (aujourd’hui le Mali) décident de fusionner. Ils forment ainsi la Fédération du Mali. Cette initiative mènera cette Fédération à son indépendance le 4 avril 1960. C’est d’ailleurs cette date qui est retenue, lorsque l’on parle de l’indépendance du Sénégal.

La fin de la Fédération du Mali a lieu cette même année, après l’annonce du Sénégal de vouloir quitter la Fédération du Mali. Le pays proclame alors sa propre indépendance. Le premier président du Sénégal indépendant est élu le 5 septembre 1960. Et c’est Léopold Sédar Senghor, le célèbre écrivain et poète qui incarnera ce rôle. Pilier de l’histoire du Sénégal, ce dernier donnera son nom au stade accueillant les matchs de la sélection du pays.

Vous l’aurez compris, cette indépendance s’est matérialisée en plusieurs aspects. Plus précisément dans le football, par la création de la Fédération Sénégalaise du Football (FSF) en 1960. La sélection disputera son premier match officiel en 1961 face au Dahomey (aujourd’hui le Bénin) avec une défaite 3-2. Par la suite, l’entrée du pays dans le monde du football s’accélère. Seulement un an après ce match, la FSF intègre la FIFA puis, en 1963, devient membre de la Confédération Africaine de Football. La sélection sénégalaise possède alors toutes les cartes en mains pour construire sa propre histoire footballistique.

La grande épopée de 2002

Le Sénégal n’a jamais remporté LE trophée majeur permettant de rendre honneur au talent de ce pays. Pourtant, ce ne sont pas les moments historiques qui manquent afin de témoigner de leur aptitude à y parvenir. Comment ne pas penser à la Coupe du Monde 2002 ? Remettons-nous dans le contexte. La Coupe du Monde 2002 était la toute première fois du Sénégal dans cette compétition. Intégré au groupe A avec le Danemark, l’Uruguay et la France, il faut avouer que peu de personnes envisageaient autre chose que la 4e place pour les Sénégalais.

Première grosse surprise de leur part : une victoire 1-0 dès leur premier match contre… la France ayant gagné la précédente édition en 1998 ! Lorsque l’on connaît l’effectif de ce pays composé de grands noms comme Barthez, Desailly, Vieira, Henry ou encore Trezeguet, le Sénégal a définitivement braqué les projecteurs sur lui.

Par la suite, les Lions de la Téranga obtiennent deux matchs nuls. Le premier contre le Danemark (1-1) puis le second face à l’Uruguay de Diego Forlán (3-3). Cette sélection, portée par Bruno Metsu à l’époque, a terminé deuxième de son groupe. Un exploit pour un premier essai. Après avoir passé les huitièmes de finale grâce au doublé d’Henri Camara face à la Suède (2-1), c’est la Turquie qui mettra fin à ce beau parcours dans les arrêts de jeu (défaite 1-0, 94e).

Les légendes de la sélection

Plusieurs légendes ont contribué au mythe de cette équipe du Sénégal, à commencer par Pape Bouba Diop. Le relayeur termine meilleur buteur de sa sélection en CDM 2002 avec trois réalisations. Il a été titulaire indiscutable tout au long de sa carrière footballistique. Avec une autre légende El Hadji Diouf, puis Sadio Mané et Kalidou Koulibaly, ils figurent comme les seuls sénégalais ayant eu une apparition dans le top 30 du prestigieux Ballon d’Or (21e pour le premier, 4e pour le deuxième, 24e pour le dernier). El Hadji Diouf est double Ballon d’Or d’Afrique deux fois de suite (2001 et 2002). L’attaquant sénégalais a porté son équipe vers le haut tout au long de sa carrière. Il inscrit huit buts lors des éliminatoires de Coupe du Monde 2002.

Nous pouvons également mentionner les noms qui ont construit les bases de cette sélection avant 2002. Comme le défenseur central Roger Mendy, deuxième joueur le plus capé du Sénégal derrière Henri Camara, héros du match face à la Suède en huitième de finale de Coupe du Monde 2002.

Un rêve touché du bout des doigts

La CAN 2019 a été riche en émotions pour les Sénégalais. En effet, les joueurs avaient effectué un beau parcours. La phase de poule s’était plutôt bien déroulée avec des victoires 2-0 face à la Tanzanie et 3-0 face au Kenya. Ironie du sort, l’Algérie était dans leur poule. L’issue du match a été la même que lors de la finale, à savoir une victoire 1-0 pour les Algériens.

Les phases à éliminations directes des Lions de la Téranga peuvent être définies par le mot « essentiel ». Les hommes d’Aliou Cissé s’en sont sortis systématiquement par 1 but à 0, même en demi-finale contre la Tunisie où les prolongations auront eu raison des Aigles de Carthage. La dernière étape qui séparait le Sénégal du précieux trophée était l’Algérie de Djamel Belmadi. Une équipe qui déborde de joueurs de qualités (Riyad Mahrez, Baghdad Bounedjah, Youcef Belaïli…) liée à un collectif très agréable à regarder.

Après avoir encaissé un but assez spécial dès la deuxième minute, le Sénégal n’a pu su égaliser et a dû concéder la victoire. Malgré cet épisode douloureux, la sélection sénégalaise sait qu’elle est capable d’aller au bout de ses efforts. La CAN 2021 sera d’abord l’occasion de réussir à se relever de cet échec. Et ce surtout pour obtenir un trophée permettant d’attester de la qualité de cette sélection depuis de nombreuses années.

Aliou, Gana et les 27 vainqueurs?

Le 4-2-3-1 est l’une des deux compositions à laquelle Aliou Cissé nous a habitué lors des derniers matchs du Sénégal. Cette formation est très intéressante pour les Lions de la Téranga puisqu’elle exploite bien les qualités de l’effectif. Aussi bien celles des cadres que celles des nouveaux arrivants. C’est surtout la flexibilité dans le positionnement des joueurs qui rend cette composition intéressante. Le passage en 4-1-1-3-1 contre le Congo (2-0) ou l’utilisation du 4-2-2-2 contre le Togo (1-1) le montrent bien.

Capitaine de la sélection sénégalaise lors de l’épopée de la Coupe du Monde 2002, l’actuel coach de la sélection Aliou Cissé compte bien marquer l’histoire du Sénégal en remportant cette CAN 2021. En poste depuis maintenant 6 ans, une victoire serait le parachèvement de tout son travail.

Une défense très solide

En ce qui concerne la défense, la charnière centrale Abdou Diallo (Paris Saint-Germain) – Kalidou Koulibaly (SSC Naples) se trouve être complémentaire. Abdou Diallo est fraichement arrivé dans la sélection. Dès ses premiers matchs, il a su montrer ce qu’il pourra apporter à l’équipe. Il a montré du caractère dans ses interventions. Son but face au Togo, d’une très belle demi-volée, est à l’image de la polyvalence du joueur. Aussi bien solide défensivement que dans les situations devant le but. En complément, le capitaine de la sélection Kalidou Koulibaly excelle dans ses relances, cassant les lignes adverses. Sa vision de jeu lui permet de trouver la bonne passe afin de déconstruire le pressing adverse lorsqu’il est haut. Surtout, il ne se laisse pas faire au duel, montrant là son gros caractère.

Ces deux profils sont complétés par la présence d’Édouard Mendy (Chelsea FC) au poste de gardien. Ce dernier a connu une grosse montée en puissance avec Chelsea, faisant de lui l’un des meilleurs joueurs du monde à son poste. Le latéral gauche Saliou Ciss (AS Nancy-Lorraine) a déjà prouvé sa solidité défensive. Il figure comme l’un des cadres de l’équipe lors de la Coupe du Monde 2018. Bouna Sarr (Bayern Munich), lui, se montre comme un latéral droit dynamique et offensif dont le Sénégal a besoin lors de matchs fermés. La recrue surprise du Bayern Munich correspond à l’image du latéral moderne. Avant tout un défenseur, mais, capable de se projeter vers l’avant.

Un duo de milieux performant

Les milieux de terrain sont essentiels à cette équipe du Sénégal. On ne présente plus Idrissa Gana Gueye (Paris Saint-Germain). Le joueur du PSG brille par sa ténacité sur le terrain, son engagement et ses récupérations de balle. Son travail lui permet de dominer cette zone si importante du terrain. Avec le Sénégal, il est celui qui dicte le pressing et apporte une certaine sérénité dans les transitions. Sa capacité à se montrer offensif dans les bons moments et son pied droit ravageur à l’extérieur de la surface constituent un réel danger pour les équipes qu’il affronte.

Pour l’épauler, Cheikhou Kouyaté (Crystal Palace). Le mot qui le définit le mieux est celui de polyvalence. Durant sa carrière en club, il a su s’adapter à différents postes pour arriver à celui de milieu défensif. Mobile, bon à la récupération de balle et non avare en efforts défensifs, il contrebalance parfaitement les moments où Gana Gueye se montre un peu plus offensif. Il confère donc un certain équilibre dans l’entrejeu.

Deux ailiers complémentaires…

Autre force de l’effectif en 4-2-3-1, le quatuor d’attaque mis en place par Aliou Cissé. Un quatuor qui commence par deux ailiers de qualité. Ismaïla Sarr (Watford FC), positionné sur l’aile gauche, a pour but de faire les différences. Il permet au Sénégal de se montrer dangereux sur les phases offensives en se positionnant régulièrement dans le dos de ses adversaires. Ses qualités lui permettent de presser haut et efficacement sur le terrain. Sa vitesse et son rythme lui donnent l’occasion d’entamer des courses diagonales directes vers le but adverse.

Avant-centre de base, l’aisance technique de Keïta Baldé (Cagliari) lui permet de jouer sur les deux ailes. Il apporte énormément à l’effectif dans les situations offensives. Pour lui, le rôle sera surtout de créer les décalages. Formé à la Masia, il est capable de faire la différence en 1 contre 1 grâce à sa vivacité balle au pied. Polyvalent, il est aussi à l’aise à la finition.

…au service d’une attaque dévastatrice

Les deux ailiers du Sénégal, vous l’aurez compris, mettent Sadio Mané (Liverpool FC) et Boulaye Dia (Villareal CF) dans les meilleures conditions possibles. Deux joueurs dont la complémentarité est intéressante à voir. Par la présence de Boulaye Dia, Aliou Cissé entend mettre en valeur la qualité de percussion du joueur de Liverpool. Dans plusieurs situations clés, la présence du premier permet au second de trouver un point de fixation, et de jouer autour de lui. Sadio Mané est aussi utile dans les phases offensives que défensives. Son explosivité et sa vitesse sont la clé des phases de pressing très hautes sur le terrain. Avec ce poste, Sadio Mané incarne la pièce maîtresse du secteur offensif.

Pour le plus grand malheur des défenses adverses, l’apport de Boulaye Dia ne se limite pas qu’à ça. Son dernier match avec Villarreal face à Alavés (deux buts, une passe décisive) a mis en évidence son talent offensif. Que ce soit dans son positionnement, sa finesse dans la finition ou son caractère d’électron libre, il se montre comme un joueur averti au déséquilibre adverse. Dans cette configuration, il détermine les temps où il doit fixer pour Mané. Puis, détermine ceux où il doit apporter de la créativité au jeu sénégalais. Ce tandem d’attaque articule le jeu offensif de la sélection dans les derniers mètres.

Cette équipe est à l’image d’une machine bien huilée, dont les engrenages s’emboîtent à merveille. Avec un cadre sur chaque ligne et des joueurs de classe mondiale sur le terrain, Aliou Cissé a les moyens de produire du très beau jeu. La dynamique est donc claire, continuer de développer ce collectif lors de cette CAN entre les anciens et les nouveaux joueurs.

Le joueur à suivre

Il serait compliqué de déterminer quel joueur doit être suivi de près pour cette CAN 2021. La sélection sénégalaise a vu arriver dans ses rangs plusieurs nouveaux noms qui mériteraient tous une certaine attention. En effet, il faut louer leur polyvalence qui donne à la sélection un panel de jeu très grand. Abdou Diallo peut jouer latéral gauche et défenseur central tandis que Bouna Sarr, malgré sa conversion en latéral droit, peut toujours apporter de l’aide en tant que milieu offensif. Néanmoins, s’il y a un joueur qui a une très grosse marge de progression et qui possède un avenir tout tracé avec la sélection, c’est bien Bamba Dieng.

Le jeune joueur de 21 ans a fait des débuts explosifs sous les couleurs de l’Olympique de Marseille en montrant, dans un jeu dicté par son instinct, un fort potentiel. Jouant au poste d’attaquant, Bamba Dieng apportera beaucoup de chose à sa sélection. Toujours dans les bons coups en attaque et à l’aise avec ses deux pieds, c’est une arme redoutable qui s’ajoute à l’arsenal d’Aliou Cissé.

Bamba Dieng a rejoint Marseille dans le cadre du partenariat que le club français a signé avec le club sénégalais Diambars FC. Une collaboration payante qui devrait permettre aux joueurs sénégalais d’avoir plus d’opportunités en Europe.

D’un autre côté, sa qualité d’appel et de percussion fait du bien à cette équipe marseillaise. Son ambition se caractérise par ses initiatives sur le terrain. Son retourné acrobatique face au RC Strasbourg démontre bien le talent naissant chez le joueur. Selon son entraîneur Jorge Sampaoli, « il se crée des occasions à lui tout seul, mais il doit encore s’améliorer », surtout à la finition. Le jeune joueur aura l’occasion d’apprendre de joueurs comme Sadio Mané, Boulaye Dia ou Keïta Baldé qui ont ce sang froid requis lors du dernier geste. Aliou Cissé a entre ses mains un diamant brut qui n’attend que d’être poli. L’atmosphère et l’enjeu de cette CAN 2021 devrait pouvoir amorcer le processus.

Les phases de groupe

Pour les phases de groupe, le Sénégal a hérité du groupe B. Avec le Zimbabwe, la Guinée et le Malawi. Une victoire dès l’entrée en compétition est essentielle. Elle annoncera la couleur quant aux ambitions de l’effectif.

Un groupe plutôt abordable

Si ce groupe a l’air très abordable, nous ne sommes pas à l’abri de quelques surprises avec le Zimbabwe et le Malawi. Il faudra surtout être attentif au choc face à la Guinée. Ces derniers bénéficieront d’un nouveau souffle puisqu’ils accueillent désormais l’ancien joueur de West Ham, Kaba Diawara, comme nouvel entraîneur. Cette équipe sera sûrement l’adversaire le plus compliqué et le moins prévisible du groupe pour le Sénégal.

La perspective d’un 3-5-2…

Le premier match du Sénégal face au Zimbabwe pourrait nous réserver une surprise. Si le 4-2-3-1 a rythmé la dernière campagne du Sénégal pour les phases éliminatoires de la Coupe du Monde 2022, une nouvelle option intéressante avait pointé le bout de son nez quelques mois avant. Déjà qualifié pour la CAN, Aliou Cissé s’est donné la liberté d’expérimenter un 3-5-2 face au Congo. Ce n’est pas la première fois que l’entraîneur tente cette formation. Il l’avait utilisée face à la Bosnie-Herzégovine en match amical le 27 mars 2018, (0-0). En cette ouverture de compétition, cette formation construite sur un effectif renouvelée pourrait-elle donner quelque chose de pertinent ?

Sur le papier, plusieurs idées sont à saluer dans cette tentative de nouvelle approche tactique. À commencer par la mise en place du duo Mané – Baldé qui peut donner quelques séquences intéressantes. Le premier, brillant par sa percussion, sa vitesse, et ses dribbles. Le second, solide techniquement et lucide à la finition. Densifier le milieu de terrain avec cinq joueurs aurait pu donner au Sénégal le moyen d’imposer son rythme. Et, en l’absence de Koulibaly et Sabaly, une défense Kouyaté – Diallo – Ba était le choix le plus judicieux.

Le 3-5-2 d’Aliou Cissé lors du match opposant le Sénégal au Congo ( 26 mars 2021, 0-0).

La rencontre s’est pourtant terminée sur le score de 0-0, et ce qui a semblé être une bonne idée a vite montré ses limites. Fodé Ballo-Touré et Krepin Diatta ont été placés sur les ailes afin d’apporter de la largeur au jeu sénégalais. Force est de constater qu’ils n’ont pas été assez sollicités. Malgré tout le duo avait montré une belle créativité sur le terrain. Et pour sa première sélection, Pape Matar Sarr a fourni une performance plus que correcte.

D’un autre côté, dans un milieu aussi dense, on aurait attendu plus d’initiatives, mais ce n’a pas été le cas. Il semblerait que la « surpopulation » de cette zone n’a pas assez été exploitée pour que les talents se libèrent. Au contraire, ils se sont neutralisés. Par conséquent, la prestation offensive a été très pauvre. Prendre le risque de retenter cette composition serait donc à double tranchant.

Un coup à jouer

Une première piste vers un rééquilibrage de la composition en passant à un 3-4-3 pourrait être pertinente et envisageable. Ainsi, le talent des différents joueurs pourrait être utilisé de manière optimale. Pour l’heure il faut voir si Aliou Cissé continuera à parier sur cette composition. Si c’est le cas, il devra impérativement réinstaurer un bon équilibre et une répartition des tâches adéquate. En résumé, il se trouve en cette composition la perspective d’un bon coup à jouer. Reste encore aux joueurs sénégalais à se montrer à la hauteur de leur statut.